Item 128 - Ostéopathies fragilisantes

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Résumé

Objectifs CNCI
  • Diagnostiquer une ostéoporose, évaluer le risque fracturaire.
  • Argumenter l'attitude thérapeutique devant une ostéoporose et planifier le suivi du patient
  • Diagnostiquer une ostéomalacie et connaître les principes du traitement d'une ostéomalacie carentielle.
Recommandations
  • Collège de Rhumatologie 2018
Mots-clésA savoir
  • CTC prolongée : ≥ 3M à ≥ 7.5mg/j
  • Hypertransparence osseuse diffuse
  • Ostéodensitométrie
  • Ph-Ca / 25-OH-D / EPP / TSH / PTH / CRP
  • Supplémentation vitamino-calcique
  • Traitement anti-ostéoporotique: biphosphonate
  • 1x/S – PO – à jeun – debout – eau
  • !! Ne pas confondre : étiologies d'ostéoporose / FdR chute / FdR fractures ostéoporotiques / Indications DMO / Indications traitement anti-ostéoporotique !!
  • DMO : T-Score < -2.5
  • Jamais le rachis cervical
  • Bilan bio ++ à la recherche diag différentiels & causes secondaires
  • Mesures hygiéno-diététiques
  • Correction FdR de chute
  • Correction carences avant

 

A. OSTEOPOROSE

Diagnostic et risque fracturaire

Généralités

  • Définition de l'OMS :
    • maladie généralisée
    • résistance osseuse diminuée
    • risquée élevé de fracture
    • altération de la qualité et densité osseuse
  • Ostéoporose peut être définie à partir de la densitométrie osseuse (DMO) par absorptiométrie biphotonique aux rayons X (DXA) si :
    • Caractéristiques générales : tps court /  irradiation faible / Mesure en 2 sites : rachis lombaire et hanche
    • Elimination des dd de l'ostéoporose : ostéomalacie, métastases osseuses, myélome, hyperparathyroide
    • Lieu de mesure adéquat : lombaire autour de ménopause / valeur de l'ESF si > 65/70ans
    • Femme ménopausée caucasienne (jeunes = Z-score // homme vieux = T-score masculin // non caucasien = non évalué) 
    • Evolution de la DMO au cours de la vie:
      • Valeur maximale entre 20 et 30 ans (génétique)
      • Réduction progresive chez l'homme / idem chez femme sauf accélération au moment de la ménopause (-2% par an)
        • donc risque important si masse osseuse maximale faible et réduction rapide
    • Définition densitométrique de l'ostéoporose
      • femme ménopausée caucasienne / homme > 50 ans = T-score ≤ -2.5
      • jeune adulte ou non ménopausée = Z-score ≤ -2.5
      • Sévère si T-score ≤ -2.5 + fracture FESF / vertèbre / pelvis / bassin
  • Épidémiologie de l'ostéoporose
    • 40% des femmes ménopausées (70% après 80 ans)
      • Primitive ++
      • Les fractures concerneront 1/2 (F) 
    • 15% des hommes > 50 ans
      • 1⁄2 secondaire
      • Les fractures concerneront 1/5 (H)
    • Fractures principales en fonction de l'âge
      • 60 ans : Pouteau-Colles
        • La 1e urgence chirurgicale traumato
        • 2e fracture ostéoporotique la plus fréquente
      • 70 ans : Vertèbres
        • La plus fréquente des fractures ostéoporotiques
        • Souvent indolore ou n'amenant pas à consulter
      • 80 ans : Extrémité supérieure du fémur (ESF)
        • La plus grave
        • 80000 / an
        • !! 50% perte d'autonomie / 25% institutionnalisation / 25% décès à 1 an
        • 3e fracture ostéoporotique la plus fréquente

Physiopathologie

  • Normalité  :
    • homéostasie calcique
    • équilibre résorption-synthèse / renouvellement osseux
  • Pathologie :
    • carence ostrogénique (deux sexes)
    • accélération remodelage osseux
    • altération de microarchitecture corticale et trabéculaire
    • carence en vitamine D
    • héritabilité importante du pic osseux
    • ralentissement par activité physique importante

Étiologies de l'ostéoporose

  •  Ostéoporose primitive
    • Vieillissement
    • Carence en oestrogènes
  • Ostéoporose secondaire
    • Immobilisation prolongée
    • Maladie du tube digestif
      • Gastrectomie
      • Entéropathie exsudative
      • Maladie coeliaque
    • Maladies endocriniennes 
      • Hypercorticisme
      • Hypogonadisme
      • Acromégalie
      • Insuffisance antéhypophysaire
      • Hyperthyroïdie
      • Hyperparathyroïdie primitive
    • Médicaments
      • Corticothérapie prolongée ++
      • Autres : héparine, analogues LH-RH, phénobarbital, phénytoïne, IPP, anti-aromatases, Lithium
    • Rhumatismes inflammatoires chroniques
    • Intolérance au lactose, maladie coelique
    • Insuffisance rénale chronique

Facteurs de risques de fracture ostéoporotique

  • Âge élevé
  • Densité minérale osseuse basse (DMO) +++ principal déterminant du risque fracturaire
  • Antécédent personnel de fracture ostéoporotique quelque soit le site
    • !! fractures du crâne, rachis cervical jusque vertèbre D3, doigts et orteils ne sont pas des fractures dites ostéoporotiques
  • Antécédent de fracture de l’extrémité supérieure du fémur chez les parents du premier degré
  • Corticothérapie ancienne ou actuelle
  • Carence en Vitamine D ou C
  • Maigreur : IMC < 19
  • Tabagisme, alcool (> 3v par jour)
  • Mauvais état de santé / ≥ 3 maladies chroniques / Hyperthyroïdie / Polyarthrite rhumatoïde / Cancer du sein
  • Augmentation du remodelage osseux : élévation des marqueurs de résorption
  • Diminution de l’acuité visuelle
  • Troubles neuromusculaires ou orthopédiques
  • Présences de facteurs de risque de chute : alcoolisme, troubles neuro-musculaires et/ou orthopédiques, baisse acuité visuelle
  • Remarques utilité du score FRAX
    • risque de FESF à 10%
    • risque de fracture majeure ( différent de sévère = FESF/humérus/vertébrale/poignets
    • valide si H > 40 ans ou femme ménopausés
    • non valide si indication évidente de ttt

 Indications remboursées de la DMO +++

  • En population générale (quelque soit âge et sexe)
    • Signes cliniques d'ostéoporose
      • Fracture vertébrale sans contexte traumatique ou tumoral évident
      • Fracture périphérique sans traumatisme majeur
      • sauf crâne, rachis cervical, orteils & doigts
    • Pathologie ou traitement potentiellement inducteur d'ostéoporose
      • CTC systémique ≥ 7,5 mg/j d'équivalent-Prednisone pendant ≥ 3 mois consécutifs
        • Faire DMO en début de traitement
      • Hyperthyroïdie évolutive non traitée
      • Hypercorticisme
      • Hyperparathyroïdie primitive
      • Ostéogenèse imparfaite
      • Hypogonadisme prolongé
  • Chez la femme ménopausée, en plus :
    • Antécédent de fracture ESF chez parent 1er degré sans traumatisme majeur
    • IMC < 19
    • Ménopause avant 40 ans
    • Antécédent de prise de CTC systémique ≥ 7,5 mg/j d'équivalent-Prednisone pendant ≥ 3 mois consécutifs
  • Recontrôle DMO :
    • À l'arrêt d'un traitement anti-ostéoporotique chez femme ménopausée
    • 3 à 5 ans après 1ère DMO, si apparition de nouveaux FdR de fracture ostéoporotique
  • Remarque : Le GRIO rajoute comme autre indication : antécédent de chute dans l'année

Fracture vertébrale ostéoporotique

  • Clinique
    • Souvent indolore
    • Douleur chronique, déformation
    • Douleur aiguë mécanique < 6 sem sans retentissement neurologique
  • Indications de radiographie rachidienne à la recherche d'une fracture vertébrale
    • Dorsalgies
    • Diminution de taille
      • ≥ 4cm depuis le début de l'âge adulte
      • ≥ 2cm pendant suivi médical
    • ATCD de fracture vertébrale
    • Maladie chronique à risque de fracture vertébrale
  • Arguments en faveur d'une fracture vertébrale ostéoporotique +++
  • Localisation en dessous de D4
  • Signe du Puzzle (= absence d'ostéolyse, pas d'effacement de la corticale) : la corticale peut être suivie sur toute sa longueur
  • Respect mur vertébral postérieur & pédicules (pas de vertèbre borgne)
  • Bilan diagnostique de l'ostéoporose

    • DMO mais attention T score normal + # sévère possible
    • Radiographies rachidiennes si indications retenues
    • Radiographies de la zone traumatisées (F+P)
    • +/- IRM ou TDM si doute notamment tumoral
    • Bilan biologique (non consensuel)
      • 1) pour éliminer les diagnostics différentiels (myélome, cancer, ostéomalacie)
        • NFS, CRP, VS
        • EPP
        • Calcémie, Phosphatémie, 25-OH-Vitamine D
        • Créatininémie
        • Calciurie, créatininurie
      • 2) examens de seconde ligne
        • TSH
        • PTH
        • CLU des 24h
        • CSTf (hémochromatose)
        • Testostérone
        • ± recherche d'une malabsorption, d'une mastocytose
      • 3) pour le suivi (par certains) : marqueurs de réponse osseuse précoce sous ttt  / dans les mois qui suivent
        • PAL osseuses
        • Ostéocalcine
        • Télopeptides du collagène (CTX, NTX)

    Diagnostics différentiels = les autres ostéopathies fragilisantes

    • Myélome multiple des os (à savoir)(cf item 317)
      • Clinique : douleurs osseuses diffuses (nocturnes ++) + AEG
      • Paraclinique : VS ↑ / pic monoclonal à l’EPS / lacunes à la radio / infiltrat médullaire hétérogène ("poivre et sel") à l'IRM rachidienne
      • Sa forme décalcifiante diffuse peut parfaitement mimer une ostéoporose commune +++
    • Métastases vertébrales
      • Rappel : cancers ostéophiles = poumon / prostate / rein / sein / thyroïde ("pépé est resté" = PPRST)
      • Clinique : douleurs inflammatoires osseuses nocturnes / AEG / signes du cancer primitif
      • Paraclinique: VS ↑ / métastase(s) lytique(s) ou condensante(s) à la radio / biopsie vertébrale si primitif inconnu après bilan poussé
    • Hyperparathyroïdie primitive (cf Électrocardiogramme : indications et interprétations)
      • Clinique: syndrome d’hypercalcémie (s. digestifs / cardio / neuro)
      • Paraclinique: hypercalcémie-hypophophorémie + confirmation par PTH
    • Ostéomalacie (déficit en vitamine D) (cf infra)
      • Clinique: faiblesse musculaire / démarche « dandinante » (syndrome myogène)
      • Paraclinique: hypocalcémie-hypophosphorémie-Hypocalciurie / ↑ PAL / 25-OH-D3 ↓↓ / Biopsie osseuse avec double marquage à la tétracycline pour confirmer le diagnostic.
      • NB : Le déficit en vitamine D
      • Peut donner une ostéoporose secondaire par hyperparathyroïdie secondaire
      • Peut donner un rachitisme chez l'enfant ou une ostéomalacie chez l'adulte, en cas de carence sévère
      • FdR = peu d'exposition solaire, maladies chroniques (BPCO, insuffisances viscérales, cancers évolutifs, diabète, obésité, femmes enceintes)
      • Dosage en Vitamine D à titre systématique recommandée si :
        • Suspicion clinique ostéomalacie/rachitisme
        • Exposition solaire nulle ou quasi nulle
        • Chutes à répétition de la personne âgée
        • Suivi du transplanté rénal
        • Chirurgie bariatrique de l'adulte
        • Ostéoporose et situations à risque d’ostéoporose
        • Suivi biologique dans le cadre de l'AMM (ex : anti-ostéoporotiques) avec utilisation de médicaments de l'ostéoporose
        • Et aussi : suivi du transplanté rénal, suivi de chirurgie bariatrique
      • Taux
        • carence si < 10 ng/mL
        • insuffisance si >10 et < 30 ng/mL
        • normal si > 30 ng/mL
        • risque si > 150 ng/mL

    Attitude thérapeutique et suivi

    Indications du traitement anti-ostéoporotique

    • Risque fracturaire élevé
      • ATCD de fracture ostéoporotique sévère + T score < ou égal à -1 :
        • Vertèbre
        • ESF, extrémité supérieur de l'humérus
        • Fémur distal, tibia proximal
        • 3 côtes simultanées
        • Bassin
      • Fracture mineure (dont poignet) et/ou facteurs de risque d'ostéoporose et/ou chute de moins d'1 an
        • ET T-score ≤ -3, ou si T-score > -3 : FRAX positif
          • FRAX =
            • Score à calculer sur internet
            • Donne le risque de fracture ostéoporotique à 10 ans
            • et le seuil d'intervention thérapeutique en fonction de l'âge (ex : traitement si FRAX 5% à 50 ans / si FRAX 13% à 70 ans)
            • Validé chez femmes ménopausées
      • Absence de fracture
        • ET T-score ≤ -3 ou T-score ≤ -2 + avis en faveur + FRAX

    Prise en charge thérapeutique

    • Mesures hygiénodiététiques +++
      • Alimentation riche en calcium (Objectif 1,2 g/j) et vitamine D
      • Supplémentation systématique en calcium et vitamine D (collège de gériatrie)
        • Calcium 1 g / jour
        • Vitamine D 800 UI / jour ou 1 ampoule d'Uvédose® 100000 UI / 3 mois
      • Activité physique, arrêt tabagisme et alcoolisme
      • Lutte contre la survenue de chute
    • Traitement d'une cause secondaire
      • Correction d'une carence en vitamine D
        • Définition : 25-OH-Vitamine D < 10 ng/mL (< 25 nmol/L)
        • 200000 UI (2 ampoules d'Uvédose®) / semaine pendant 3 semaines
      • Prise en charge de la maladie causale
    • Bisphosphonates ++
      • En première intention
      • Ralentissent la  résorption osseuse / augmentent DMO
      • !! Contre-indications
        • DFG < 30
        • Hypocalcémie
        • Oesophagites si per os
      • Bilan bucco-dentaire préalable (puis / an)
      • Effets secondaires :
        • Hypocalcémie
        • FA
        • Myalgies, arthralgies, douleurs extrêmités
        • Rares mais graves : ostéonécrose mandibulaire, fracture atypique non comminutive de l'ESF
      • Types
        • Zolédronate (Aclasta®) IV
          • En 1e intention si fracture ESF ++
          • 1 injection / an (IVL sur 15 minutes)
          • Effet secondaire : syndrome pseudo-grippal (traité par paracétamol), pas de risque d'œsophagite
        • Alendronate (Fosamax®) et Risédronate (Actonel®) per os
          • 1 prise par semaine (existe aussi en prise quotidienne)
          • Contre-indication supplémentaire = antécédent d'œsophagite
          • Effet secondaire : œsophagite
            • Prévention ++ :
              • Prise le matin à jeun
              • Dans un grand verre d'eau isolé
              • Pas de décubitus dans les 30 min qui suivent
    • Dénosumab 
      • En 2nde intention si échec ou CI des biphosphonates
      • Ac monoclonal inhibiteur des ostéoclastes anti RANKL
      • Administration SC tous les 6 mois
      • Contre-indications :
        • Hypocalcémie
        • DFG < 15
      • Effets secondaires :
        • Infections urinaires et voies aériennes supérieures
        • Éruption cutanée
        • Rares mais graves : ostéonécrose mandibulaire, fracture atypique non comminutive de l'ESF
    • Raloxifène
      • !! efficacité démontrée uniquement dans les fractures vertébrales, donc pour les patientes < 70 ans
      • SERM : inhibiteur sélectif des récepteurs aux œstrogènes
      • 1 comprimé / jour
      • Diminuerait le risque de cancer du sein / aucun effet sur troubles du climatère
      • Contre-indications :
        • ATCD personnel de MTEV
        • ATCD de cancer de l'endomètre ou de saignement génital inexpliqué
    • Tériparatide
      • !! indiqué uniquement si ≥ 2 fractures vertébrales
      • Le seul qui stimule la formation osseuse (versus diminue résorption pour les autres)
      • 1 injection SC par jour pendant 18-24 mois puis relai par bisphosphonate
      • Contre-indications =
        • Hypercalcémie
        • Absence d'ostéoporose
        • Ostéoporose secondaire
        • Élévation inexpliquée des PAL
        • ATCD radiothérapie
        • DFG < 30
      • Effets secondaires : céphalées, nausées, hypotension orthostatique
    • Ranélate de strontium
      • en dernière intention car moins efficace
      • 1 sachet per os / jour
      • Effets secondaires : DRESS, MTEV, MTEA

    NB :

    • Traitements anti-ostéoporotiques utilisables chez l'homme (mêmes indications thérapeutiques que chez femme) :
      • Bisphosphonatestype Alendronate , risédronate et acide zolédronique
      • Tériparatide si ≥ 2 fractures vertébrales
    • Traitements anti-ostéoporotiques en cas de corticothérapie prolongée :
      • Supplémentation calcium - vitamine D quelque soit T-score +++
      • Bisphosphonates (sauf alendronate) si T-score ≤ -1,5
      • Tériparatide si ostéoporose compliquée de ≥ 2 fractures vertébrales

    Suivi du traitement

    • Durée totale du traitement = 3 à 5 ans
      • > 3-5 ans si :
        • ATCD fracture sévère
        • Fracture pendant le traitement
        • Apparition nouveau facteur de risque de fracture
        • T-score ≤ -3 encore
    • DMO à intervalles minimum de 18 mois 
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