Item 297 - Cancer de l'enfant : particularités épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques.

Signaler

Résumé

 

Objectifs CNCI
  • Expliquer les particularités épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques des principaux cancers de l'enfant.
Recommandations
Mots-clés / TiroirNPO / à savoir
  • Hémopathie / cérébral / eb. / osseux
  • AEG / ADP-SMG / HTIC / masse-os
  • Echographie si masse abdominale ++
  • Scolaire: projet d’accueil individualisé
  • Indication à la chimiothérapie +++
  • Suivi au long cours pour tolérance
  • 100% / soutien psy enfant + parents
  • NB: rétroP / HVA-VMA / écho-scinti
  • NpB: évolution rapide / uroscanner
  • Annonce que si certitude
  • RCP et PPS / scolarisation
  • Joindre le centre de référence en cancérologie pédiatrique
  • Consentement parental écrit
  • Néphrobastome : pas de biopsie

Particularités épidémiologiques

Données épidémiologiques

  • Incidence
    • Rares = 1% des cancers (120/million d'enfants ; 2500cas/an environ 1700 entre 0-15 ans et 700 chez jeune adulte)
      • 1enfant /440 <15ans et 1/300 avant 20ans
    • Prédominance masculine (sex-ratio = 1,2) / 50% des cas = avant 5 ans (LA ++)
    • Sporadiques +++ (5% seulement sont génétiques)
  • Mortalité
    • Pronostic meilleur que chez l’adulte: 80% de guérison (cf chimiosensibilité ++)
    • 2ème cause de mortalité chez l'enfant (après les accidents) soit 20% des décès de l'endant
    • Maladie métastatique parfois curable : 50 000 adultes survivants d’un cancer traité avant l’âge de 20 ans et concernés par les possibles effets tardifs de la maladie et des TT 
  • Registres cancers de l'enfant
    • Registre national des hémopathies malignes de l'enfant (RNTSE) depuis 1990
    • Registre national des tumeurs solides de l'enfant (autre que lymphome) depuis 2000
    • Informations recueillies
      • Identifiants + lieu de residence + diagnostic + traitement + filière de soins
      • Codés pat ICD-0 : classification internationnale des maladies pour l'oncologie + ICCC
      • Statut vital régulièrement mis à jour
      • Missions : surveillance + recherche
      • Participent au réseau Francim
    • Méthodes statistiques : standardisées / incidence cumulée / survie globale et spécifique liée à la maladie

Cancers les plus fréquents chez l’enfant +++

  • Hémopathies malignes:  leucémies aiguës (28%) ++ et lymphomes (12%)
  • Tumeurs cérébrales: astrocytome / médulloblastome  (23%)
  • Tumeurs embryonnaires (25%) : neuroblastome (9%) / néphroblastome (8%)
  • Tumeurs osseuses: sarcome d’Ewing / ostéosarcome (5%)
  • Autres: rétinoblastome (3%), autres tissus mous (7%) : rhabdomyosarcome, hépatoblastome...
    • Avant 5 ans : leucémies +++, neuroblastomes, nephroblastome, médulloblastomes
    • Après 10 ans : Tumeurs cérébrales (gliomes/médulloblastomes), sarcomes osseux, tissus mous, lymphomes

Répartition selon l’âge (60% solides / 40% hémopathies)

  • <1an
    • Tumeurs embryonnaires (neuroblastomes)
    • Leucémies
    • Tumeurs du SNC
  • 1 - 5 ans :
    • leucémies aiguës = 1/3
    • tumeurs du SNC (médulloblastome et gliome bas grade)
    • Tumeurs embryonnaires
  • 5-9ans
    • Leucémies / SNC / lymphomes
  • 10-14 ans
    • Majoritairement : leucémies / SNC / lymphomes
    • Mais aussi pour 15% : tumeurs osseuses (ostéosarcome / Ewing) et tissus mous (rhabdomyosarcome / non-rhabdomyosarcome)

Répartition selon le sexe

  • SR 1.2 pour les garçons
  • Garçons : lymphomes (Burkitt) / médulloblastomes / Ewing / sarcomes des tissus mous
  • Filles : tumeurs germinales et tumeurs épithéliales (mélanome, carcinomes thyroïdiens)

Variation géographiques

  • Peu de variations d'un pays à l'autre
  • Interprétation prudente car peut refléter les disparitions entre les systèmes de soin
  • 2 cas avérés
    • Lymphome de Burkitt : Afrique équatoriale
    • UCNT très rare chez l'enfant mais plus fréquent en Afrique du Nord et Chine du Sud
    • Autres
      • cancer de la thyroïde en Ukraine / Russie / bélarus (radioactivité)
      • LAL plus marqué dans les pays industrialisés (biais ?)
      • Tumeurs cérébrales : plus faible incidence dans les pays d'Afrique (biais ?)

Evolution temporelle

  • Incidence
    • 1978-1997 : augmentation de 1 à 3% des cancers de l'enfant : par palliers = TDM et IRM ++
    • Aucune modification de l'incidence de 2000 à 2014
  • Survie
    • 1975 = 30% ; 2000 = 70-75% ; aujourd'hui = 80%

Survie

  • Selon les types : SNC et sarcomes tissus mous 75% ; rétinoblastome 99%
  • Selon l'histologie
    • LAL = 90% ; LM = 68%
    • SNC = 86% (astrocytomes)
    • Tumeurs embryonnaires = 54%
    • Gliomes haut grade = 38%

Facteurs de risque

  • Génétiques familiaux (<10%)
    • Atcd K dans la fratrie
    • Atcd génétiques :
      • Trisomie 21 (Risque leucémie aigüe ++ x 10-20)
      • Mutations génétiques
        • Neurofibromatose type 1 ou 2 (gène NF1 et NF2) (tumeur SNC ++)
        • Rétinoblastome à T° AD (gène RB1) = 40%
        • Nephroblastome (gène WT1)
        • PAF (Gène APC)
      • Syndromes prédisposants au cancer
        • Sd de Li-Fraumeni (gêne TP53-CHEK2 / chromosome 7) : sarcomes, tumeurs cérébrales, leucémies
        • Sd Beckwit-Wiedemann (néphro-hépatoblastomes)
      • Autres
        • Aniridie congénitale et néphroblastome
        • Cryptorchidie et tumeurs germinales
        • Hémi-hypertrophie corporelle et néphroblastome
        • Syndrome WAGR
        • Syndrome Denys-Drash
        • Xeroderma pigmentosum
        • Anémie de Fancooni
        • Ataxie-télngiectasie
        • Sd de Bloom
        • ...
  • Infectieux
    • VHB : hépatocarcinome
    • VIH : Lymphome, sarcome de Kaposi
    • EBV : Lymphome de Burkitt
  • Iatrogène
    • Radiations ionisantes fortes doses
    • Distilbène (TTT de l’ADK à cellules claires du vagin)
    • Traitements alkylants, inhibiteurs de topoisomérase, intercalants, ttt IS
  • Déficits immunitaires
    • Ex : Wiskott-Aldrich
    • Syndrome de lymphoproolifération lié à l'X
  • Facteurs de risque suspectés mais non prouvés
    • Rayonnement ionisant faible dose
    • Rayonnements non ionisants (LA, lignes haute tensions)
    • Pesticides (LA)
    • Hydrocarbures
    • Alimentation / nutrition (allaitement prolongé >6mois réduit le risque de LA)
    • Infection et immunité
    • Prédispositions individuelles

    Mesures associées

    • Prise en charge à 100% (ALD)
    • Soutien psychologique pour l’enfant et les parents
    • Consentement parental écrit aux soins

    Surveillance

    • Suivi à vie pour la récidive et surtout la tolérance du Tt
    • Retentissement staturo-pondéral / endocrinien / psychologique

    Particularités diagnostiques

    Circonstances de découvertes :

    • Clinique très variée selon type de cancer
    • Evoquer facilement un cancer chez l’enfant ! (cf PEC précoce et efficace)
    • Tout symptôme ou signe persistant et fixe (plusieurs jours)
    • 2 particularités +++
      • Rapidité de croissance : parfois quelques jours
      • Conservation d'un bon état général apparent
    • Signes « directs » :
      • Masse abdominale :
        • rétro péritonéale : Néphro / neuroblastome
        • Intrapéritonéale : Burkitt / Hépatoblastome
        • Abdomino-pelvien : tumeur germinale maligne / neuroblastome / sarcome
        • Masse péri (ou intra) –orificielle +/- saignement : rhabdomyosarcome / tumeur germinale maligne vaginale
      • Tuméfaction des membres ou des parois :
        • Tissus mous : rhabdomyosarcome +++
        • Osseux : ostéosarcome  / Ewing
      • ADP « froide » (dures, adhérentes, sans inflammation, indolores) : LA / lymphome
      • Autres signes :
        • Reflet blanc pupillaire (leucocorie) : rétinoblastome
        • Augmentation du volume scrotal : rhabdomyosarcome / tumeur germinale maligne / lymphome
        • Hématurie : néphroblastome
    • Signes « indirects » :
      • Signes neuro : HTIC, crise d’épilepsie  (tumeur primitive / métastase)
      • Compression médullaire : enfant douloureux difficilement mobilisable
      • Dyspnée (compression médiastinale) : lymphome (LNH +++)
      • Obstruction respiratoire haute / dysphagie : tumeur ORL (lymphome / rhabdomyosarcome)
      • Exophtalmie : rhabdomyosarcome (tumeur I) ou méta (tumeur II : neuroblastome, hémopathie)
      • Douleurs osseuses localisées : ostéosarcome / Ewing
      • Douleur intense : mal soulagée par antalgiques standards
      • Douleurs osseuses diffuse +/- boiterie : MO +++ (LA / neuroblastome)
      • Dysurie : tumeur abdomino-pelviennes / tumeurs intracanalaires
      • Strabisme : rétinoblastome
      • Prurit : hodgkin
      • Syndrome paranéoplasiques exceptionnels
      • Cachexie : syndrome de Russel (hypothalamus)
      • Puberté précoce
    • URGENCE :
      • Dyspnée asphyxiante : lymphome / tumeur ORL
      • Pancytopénie / CIVD : hémopathie
      • HTIC rapide + signes neurologiques : tumeur cérébrale
      • Fracture osseuse pathologique : tumeur osseuse
      • Hémorragie intra-abdominale : néphroblastome
      • Hypercalcémie : Sd paranéoplasique / lyse osseuse
    • ALERTE : HTIC / boiterie + douleurs osseuses / masse abdominale / strabisme / leucocorie

    Signes d’appel clinique +++

    • Interrogatoire
      • Terrain: atcd familiaux et personnels néoplasiques / irradiation
      • Carnet de santé: rechercher une cassure staturo-pondérale (à savoir)
      • Anamnèse: date et circonstance d’apparition / profil évolutif
      • Signes fonctionnels
        • AEG / fièvre / douleurs osseuses +/- boiterie
        • Dyspnée (lymphome) / prurit (Hodgkin) / hématurie (néphroblastome) / strabisme ou leucocorie (rétinoblastome)
    • Examen physique
      • Signes vitaux: PA / PC / poids et taille / température / BU
      • Ex. général: aires ganglionnaires (ADP « froides ») / pâleur / hémorragies
      • Ex. neurologique: déficit focal / syndrome cérébelleux / HTIC / RPM
      • Ex. abdominal: rechercher une masse abdominale / SMG / HMG
      • Ex. locomoteur: tuméfaction osseuse / examen de la marche / mobilités
      • Ex. ORL: rechercher une angine ulcéro-nécrotique (agranulocytose)

    Démarche diagnostique (selon le type de cancer suspecté)

    • Marqueurs tumoraux chez l’enfant
      • α-FP : tumeur germinale M (composante « tumeur du sac vitellin) / hépatoblastome
      • β-HCG: tumeurs germinales M (composante « choriocarcinome »)
      • catécholamines urinaires: HVA et VMA pour le neuroblastome (cf infra)
      • Hypercalcémie : atteintes ostéomédullaires / tumeurs rhabdoïdes
      • ↑ LDH: lymphomes malin non hodgkiniens (LMNH) / neuroblastome / sarcome d’Ewing
    • Selon orientation clinique
      • Devant une masse abdominale: échographie – doppler +/- TDM abdominale
      • Devant une masse / AEG / ADP: myélogramme / BOM / scinti MIBG
      • Devant HTIC / anomalie neurologique: TDM cérébrale / fond d’œil
      • Devant une boiterie: radio de bassin de face / écho de hanche

    Examens paracliniques

    • Examens radiographiques standards 
      • radiographie de thorax
      • radiographies de segments osseux en cas de douleurs ou de tuméfactions localisées
      • ASP :  tumeur abdominale
    • Echographie ± doppler : caractère intra- ou rétropéritonéal d'une tumeur abdominale / origine d'une tumeur abdominopelvienne / exploration des lésions cervicales, des membres et des parois
    • Examens plus complexes (en fonction des résultats des premières explorations) :
      • TDM
      • IRM : tumeur du SNC, tumeurs osseuses ou des tissus mous 
      • scintigraphie au technétium : tumeurs osseuses primitives et/ou métastatiques
      • scintigraphie au méta-iodobenzylguanidine (MIBG) : neuroblastome
      •  tomographie par émission de positons (TEP) ± TDM : validée dans l'exploration des lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens
    • Examens anatomopathologiques 
      • cytologiques : myélogramme (leucémie), ponction ganglionnaire ou tumorale...
      • histologiques : abords biopsiques percutanés ou chirurgicaux a minima
      • Examens de caractérisation biologique indispensables le plus souvent pour diagnostic et pronostic sans oublier la nécessité de congélation  +++ 

    Consultation d’annonce d’un cancer

    1. Annonce en 4 temps
      1. temps médical
        1. annonce du diagnostic et des traitements (post RCP)
        2. présentation des risques à court/moyen/long terme
        3. inclusion ou non dans un essai thérapeutique (consentement écrit)
        4. Programme personnalisé de soin (PPS)
        5. 2ème avis médical à proposer systématique SANS retarder le ttt
      2. Temps d'accompagnement Soignant :
        • précise modalités thérapeutiques, visite service
        • identification des besoins d'accompagnement social et psychologique
      3. Temps d'accès aux soin de support (psychologue, assistante sociale, kiné...)
      4. Temps d'articulation avec la médecine de ville (information médecin traitant)
      • Modalités pratiques (12)
        • Empathie et écoute:  face à face / écouter le patient
        • Langage adapté: simple et compréhensible / respect des croyances, etc.
        • Progressive: toujours en plusieurs consultations / respecter silences
        • Planifier la prise en charge: calendrier thérapeutique / prochaine Cs rapide (< 1S)
        • Vérifier: la bonne compréhension de l’information donnée
        • Soutien psychologique: à proposer +++ / lien avec le médecin traitant de ville
        • Notifierpar écrit dans le dossier l’annonce et les informations
      • Informer le patient sur (4)
        • le diagnostic: dire « cancer » / consultation d’annonce après la RCP ++
        • le traitement: curatif ou palliatif / effets secondaires / parcours personnalisé (PPS)
        • le pronostic: évolution naturelle / chiffres mais éviter de donner une survie
        • le suivi: modalités de surveillance / au cours du traitement puis au décours
      • Spécificités pédiatriques
        • Informer l’enfant +++ : indispensable / langage adapté (PCZ)
        • Entretien avec les deux parents en même temps
        • Par le médecin spécialiste (référent et compétent) / parfois par MT
        • Etablissement d'un PAI 
  • Conclusion particularités des cancers de l’enfant

    • croissance rapide
    • habituelle conservation de l’état général
    • multiplicité et caractère banal des signes d’appel clinique dont la persistance fixité > 15 jours doit alerter
    • importance du dosage des marqueurs spécifiques en plus des examens d’imagerie et d’histologie
    • importance d’analyser le génome des cellules cancéreuse pour le diagnostic, pronostic et traitement
    • 6 grands groupes de tumeurs malignes chez l’enfant : hématologiques, SNC, blastèmes d’organe, conjonctive, germinale et neuroectodermique
    Créer un compte pour acceder gratuitement à cette fiche

    Contenus liés